Haut Fond Prince, l'histoire d'une tempête infernale
HAUT-FOND PRINCE... débute sa tournée maritime au cinéma Lido de Lévis.
Ce film scénarisé et réalisé par Martin Rodolphe Villeneuve nous amène de la réalité à la fiction avec doigté et une imagerie exceptionnelle qui nous donne le goût de voyager jusqu'à la source de son inspiration, le phare de Haut-Fond Prince surnommé "La Toupie" qui nous livre une partie de ses secrets.
Le réalisateur a tenu a débuté cette tournée à Lévis car la base du phare a été confectionnée au chantier maritime de Lauzon, donc c'était un retour à la case départ et la prochaine étape Tadoussac où la partie du haut a été réalisée par des ouvriers de la région, donc on retourne sur la scène du crime si on peut dire...avant de se poursuivre dans plusieurs villes côtières du St-Laurent.
Dès l'approche, on fait face à un monstre sacré très impressionnant avec ses échelons à grimper, ceux extérieurs couverts partiellement de limon en été et de glace en hiver et ceux intérieurs, se faisant en grande partie à la noirceur, font appel autant à la force physique que psychique.
Les trois vedettes du film rendent à merveille les rôles d'André Bertov écrivain (Sasha Samar), du Capitaine Dupuis (Raymond Bouchard), de son adjoint (Jean-Jacques Simard) et la réalité de la tragique tempête du 25 décembre 1966 sert de trame de fonds pour tisser une toile magnifique sur cette partie du St-Laurent et le travail des gardiens de phares trop souvent romantisé dans certain film.
Partant de la difficulté à accèder au phare, aux accès plus que difficiles, aux passages noirs, à la qualité de l'air déficiente, aux multiples dédales à traverser entre les différents étages de cette méga structure, au haut taux d'humidité permanent sans parler des conditions d'habitation totalement démentes, ... tout est présent pour repousser cette expédition.
Y amener bagages, provisions, documents pour poursuivre ses recherches relevaient déjà de l'exploit..vouloir y vivre seul 1 mois, presque de la bravade car l'isolement y est complet et les seuls compagnons que l'on a font partie d'une faune riche et variée de phoques, baleines, bélugas et oiseaux qui tournent autour de cette plateforme devenue un phare automatisé, que l'on vérifie une fois par année pour qu'elle puisse continuer d'éclairer le chemin des marins et éviter des naufrages car les fonds sont traîtres et changent au gré des marées.
Du nettoyage, à la visite des lieux, en passant par une décoration personnelle qui montre son imagination et son état mental, nous assistons à ce récit quasi irréel de cette nuit de noël traumatisante de 1966 et à bien y regarder le phare porte encore les blessures infligées lors de cette tempête qui a brassé l'humain jusqu'à son point de rupture.
Interprétation magistrale de Sasha Samar qui est imprégné jusqu'à la fin par son personnage qui y perdra son temps, ses pilules, son téléphone puis le sens de la réalité...donnant un ton particulier au désespoir, à l'isolement ultime, à la beauté de la nature qui reprend toujours ses droits et que l'on ne doit jamais sous estimée...un vertige que l'on peut conquérir ou qui peut nous faire basculer...une fascination pour un phare majestueux qui nous amène à bord de ce vaisseau fantôme enrubanné de brouillard.